Lauréats 2023 : selon ses propres dires

Après un travail de sélection qui s’est avéré difficile compte tenu de la qualité des nominations qui nous sont parvenues de tout le réseau pancanadien Parlons suicide, nous avons le plaisir de révéler le nom des lauréats de 2023 du Prix d’excellence Jason Chare des intervenants en situation de crise.

Visionnez cette vidéo présentant les témoignages des lauréats de 2023, Renée, Mark et Nicoline, à propos de leur expérience d’intervenants à Parlons suicide.

Lisez ensuite leur profil ci-dessous pour en savoir plus sur chacun d’eux.

Bénévoles de l’année 2023 : Renée

Renée est la lauréate très méritante du Prix d’excellence Jason Chare des intervenants en situation de crise dans la catégorie Bénévoles. Pour Laura, qui a proposé la nomination de Renée, « Renée est l’intervenante la plus attentionnée et la plus douce qu’elle connaisse. Sa compassion va bien au-delà de ce à quoi l’on peut s’attendre et elle ne cesse de m’étonner par sa prévenance, sa compréhension et l’attention qu’elle accorde à chaque conversation. »

Nous avons demandé à Renée ce que cela voulait dire pour elle, d’être une intervenante. Voici sa réponse :

Qu’avez-vous appris par ailleurs depuis que vous êtes intervenante ?

J’ai beaucoup appris sur moi-même, mais je pense que ce que j’ai surtout appris, c’est comment les gens trouvent la force de traverser les épreuves extrêmement difficiles auxquelles ils se trouvent confrontés. J’en suis venue à éprouver un profond respect pour toute personne qui appelle et me confie sa situation. Je ne peux pas m’imaginer vivre ce qu’elles ont vécu et m’en être sortie comme elles l’ont fait.

Il y a des situations qui restent à jamais marquées dans ma mémoire. Lorsque quelqu’un vous parle de choses vraiment douloureuses, cela demeure en soi, d’une façon ou d’une autre, qu’on en soit conscient ou non. Il y a des situations dont je me garde encore le souvenir et je ne sais pas si je les oublierai un jour. Je pense que ce n’est pas un problème de s’en souvenir. Il faut trouver le moyen de ne pas se laisser affecter par ces situations tout en respectant et en honorant ce que l’on a entendu. Les garder en soi ou se laisser affecter par elles au quotidien, ce sont là deux choses tout à fait différentes.

Comment faites-vous pour garder votre sang-froid et centrer votre attention sur les besoins de la personne qui demande de l’aide lors d’une interaction difficile ?

Ce qui est très important, dans toute interaction, c’est de commencer par se concentrer sur les besoins de l’usager – c’est-à-dire découvrir le type d’aide recherché –, et la façon de l’aider au mieux. Il arrive qu’il faille fixer des limites, être clair et direct sur le type de comportement qu’un intervenant risque de ne pas tolérer.

Cela dépend aussi de la raison pour laquelle l’interaction est difficile. Je pense qu’il est important de se mettre à l’écoute de soi pour prendre conscience de ce que l’on trouve difficile, car beaucoup de choses peuvent se produire sans que nous y soyons préparés ou que nous nous y attendions. Lorsqu’un interlocuteur s’emporte, je commence par respirer à fond, puis je prends tout mon temps pour répondre et j’essaie de résister à toute réaction physiologique. Lorsque l’on parle à quelqu’un qui est vraiment en détresse, on a tendance à ressentir soi-même son agitation. Plus la personne s’emporte, plus j’essaie de m’appuyer sur ma respiration.

Intervenant rémunéré de l’année 2023 : Mark

Cette année, dans la catégorie Intervenant rémunéré, nous avons eu deux candidats ex aequo pour la première place ! L’un de ces deux lauréats est Mark. Pour Elizabeth, qui a proposé sa nomination, « Mark est passionné par le travail de prévention du suicide que nous faisons et du soutien que nous apportons aux personnes en détresse émotionnelle. Pour moi qui ai connu Jason, Marc me fait penser à lui, à la patience dont il faisait preuve en cas de stress. C’est quelqu’un de bienveillant et il est doué pour créer des liens. Je pense qu’il a sauvé de nombreuses vies. »

Mark nous explique pourquoi il est devenu intervenant en situation de crise et ce qui est représente pour lui la qualité la plus importante à posséder pour un intervenant.

Selon vous, quelle est la qualité la plus importante à posséder pour un intervenant ?

L’empathie. C’est tout simplement l’aspect le plus important de ce travail et un aspect crucial. Cela ne s’invente pas – il est difficile d’aider les gens si on n’en a pas. Lorsque je réponds à un appel, j’essaie vraiment de me mettre à la place de l’autre. J’essaie de comprendre sa situation. On ne peut jamais la comprendre pleinement, mais on essaie – c’est là que l’empathie entre en jeu.

Comment prenez-vous soin de vous ?

C’est là une question très importante. Je trouve qu’il est important de prendre soin de soi. Je dispose d’un système de soutien. En exprimant ce que je ressens, cela m’aide à garder les pieds sur terre et à rester en bonne santé mentalement. Lorsqu’on intériorise toutes ses émotions, elles finissent par ressortir de façon négative.

Je fais de l’exercice, je mange sainement et j’essaie de m’appliquer à faire tout ce qui est bon pour mon mental, mon corps et mon âme. J’accepte les mauvais jours ; je trouve qu’en mettant les choses en perspective, cela m’apporte de la gratitude et je pense qu’il y a de très bonnes leçons à en tirer, de choses qui nous font grandir.

Qu’est-ce qui vous a amené à devenir intervenant ? Qu’est-ce qui vous pousse à garder ce rôle ?

J’ai pensé que ce serait une bonne occasion d’être un atout positif dans la collectivité où je vis. Pour ce qui est de ma motivation à continuer, je dirai que j’éprouve beaucoup gratitude. Pour moi, c’est un grand honneur de pouvoir avoir un impact et d’avoir une place dans la vie de quelqu’un.

Intervenant rémunéré de l’année 2023 : Nicoline

La seconde lauréate de l’année dans la catégorie Intervenant rémunéré est Nicoline. Voici ce Mark et Jessica, qui ont proposé sa nomination, ont dit à son sujet : « Nicoline est l’une des membres les plus solides et les plus précieuses de notre équipe. Par sa capacité d’empathie et son aptitude à reconnaître les risques, tout en étant capable de prendre régulièrement des décisions éthiques sous pression, elle illustre parfaitement ce qu’un intervenant efficace doit s’efforcer d’être en cas de crise. Son empathie pour les usagers ne faillit jamais et elle est pour nous l’un des plus grands atouts du centre. »

Voici ce qui motive Nicoline et ses conseils aux intervenants débutants.

Que diriez-vous à quelqu’un qui envisage de devenir intervenant ?

J’encouragerais toute personne qui envisage de devenir intervenante à le faire. C’est vrai que c’est un rôle exigeant émotionnellement, mais nous avons le soutien de la plus belle communauté que l’on puisse imaginer. Même s’il n’y a que soi et l’usager au téléphone, on n’est jamais vraiment seul pour réaliser ce travail. Tous les intervenants et le personnel administratif que j’ai rencontrés font partie des gens les plus sympathiques que je connaisse. Dans un monde aussi chaotique et imprévisible que le nôtre, le fait de rencontrer des gens qui s’efforcent de garder espoir et de rester optimistes m’encourage à donner le meilleur de moi-même.

Y aurait-il autre chose que vous auriez découvert depuis que vous êtes intervenant et aimeriez ajouter ?

Une des choses que j’ai apprises, c’est qu’il faut s’assurer de transmettre l’information aux autres membres de l’équipe et simplement leur dire quand j’ai trouvé quelque chose très difficile. ll est très facile de se dire que l’on est fort et que l’on peut s’en défaire aisément. En réalité toutefois, dans ce travail, plus on se défait des petites choses, et plus on parvient à l’usure de compassion, voire même à l’épuisement. C’est vraiment important de parler de certains de ces problèmes au lieu d’essayer de rester stoïque et de tout prendre sur soi.

Quels conseils donneriez-vous à un intervenant débutant ?

Je travaille dans le domaine de la formation et voici ce que j’aime à dire aux nouveaux intervenants : il vous suffit de prendre une grande respiration. Au début, on peut être angoissé et avoir peur de ne pas dire ce qui convient, mais tout ce que l’on a vraiment besoin de faire, lorsqu’on est au téléphone, c’est d’être présent et d’écouter : c’est la personne qui appelle qui va vous guider. Nous donnons à l’usager l’espace nécessaire pour nous guider tout au long de l’interaction. Il est possible que nous lui apportions un soutien en cours de route et que nous le conseillions gentiment, mais je dirais que l’appel est entre les mains de celui qui appelle. En procédant ainsi, cela aide en quelque sorte à éliminer la pression que l’on peut ressentir par peur de faire un faux pas ou de dire ce qu’il ne faut pas. Tout ce qu’il faut, c’est simplement être humain, être présent et écouter.

Qu’est-ce qui vous motive à faire votre travail d’intervenante ?

Dans la vie, il n’y a rien qui s’obtienne facilement et il n’y a rien de facile. Je comprends les sentiments de désespoir. Mais je sais aussi combien il peut être crucial d’avoir quelqu’un qui puisse tout simplement être témoin de la douleur de la personne en souffrance sans essayer de la changer ou de changer sa situation. Je suis parvenue au bout du tunnel, mais, maintenant, je peux me retourner et éclairer les gens qui me demandent de l’aide. J’en apprends énormément chaque jour des personnes qui appellent. Je trouve que j’ai de la chance d’être la personne de soutien à laquelle ils peuvent faire confiance et se livrer.

Intervenant rémunéré de l’année - mention honorable !

La sélection d’un lauréat dans la catégorie Intervenant rémunéré de l’année s’est avérée si difficile que le comité de sélection a décidé de décerner également une mention spéciale à un troisième intervenant. Cette année, cette mention a été attribuée à Bryn.

Pour Michelle, Amber et Christina, qui ont toutes trois proposé sa nomination, « Bryn est quelqu’un de gentil et d’authentique, qui travaille très fort et gère vraiment bien les appels. Elle a toujours un ton de voix chaleureux et doux au téléphone et elle fait un excellent travail de mentorat et de soutien chaque fois qu’elle le peut. Bryn se donne à fond à son travail et fait preuve d’empathie, de gentillesse et de professionnalisme au plus haut degré. Sans elle, notre ligne d’écoute ne serait pas ce qu’elle est. Elle est tout simplement naturelle et un merveilleux être humain à côtoyer ! »

L’an dernier, Bryn a participé à la réalisation d’une vidéo sur la prévention du suicide, à laquelle a aussi participé l’honorable Carolyn Bennet, ministre fédérale de la Santé mentale et des dépendances. Vous pouvez visionner cette vidéo à droite de la page. (en anglais)

À propos des Prix d’excellence Jason Chare

Chaque année, les Prix d’excellence Jason Chare des intervenants en situation de crise sont décernés à des intervenants qui se surpassent dans leur travail. Jason était un collègue très apprécié et respecté de l’équipe de Parlons suicide qui avait à cœur l’excellence du travail d’intervenant. Ces Prix ont été instaurés à sa mémoire après son décès prématuré en 2021.